La pratique du Yoga implique, dans le déroulement d’une séance, des moments consacrés aux ressentis proposés juste après avoir défait une posture (asana). Il est alors demandé à l’adepte de marquer un temps d’observation. Mais pour observer quoi et comment au juste ?
C’est simple ! Il s’agit de demander à notre attention (notre faisceau de conscience) de parcourir notre corps, pour y saisir les modifications qu’ont imprimé en lui la posture qui vient d’être réalisée. C’est ainsi qu’il nous est possible d’observer les réactions physiologiques, émotionnelles et mentales aux étirements et compressions corporels impliqués dans la prise d’une posture. Ce relâchement corporel se traduisant sous la forme de diverses sensations de massage, de détente et d’apaisement au mieux, d’inconfort ou de douleurs au pire.
Mais allons un peu plus loin. Observer les effets d’une posture sur notre corps nous demande, en réalité, d’effectuer une opération psychique spécifique, celle du retournement de nos sens de l’extérieur vers l’intérieur. Et, c’est précisément un des buts que vise la pratique du yoga. Bien souvent, cette opération nous demande un effort, car elle n’est pas une habitude culturelle. Pourquoi ? Parce que, nous, les Occidentaux, nous avons fait plutôt le choix de l’extériorité, comme mode d’investissement positif et total de nos projections et nos actes, relayant l’intériorité corporelle à sa seule fonctionnalité et notre conscience subjective à sa dimension anecdotique. Ayant délaissés cette partie de nous-mêmes en surinvestissant la matérialité du monde, nous avons perdu les clefs de notre intériorité qui est pourtant l’expression d’un monde à part entière. Pourrions-nous considérer cette attitude comme une forme de déséquilibre (entre extériorité et intériorité) ?
La question reste ouverte, mais ce que nous noterons ici, plus particulièrement, c’est ce retournement des sens, conférant à notre faculté de ressentir, un double pouvoir, celui de percevoir à la fois notre extériorité et notre intériorité, et lorsque les sens sont tournés vers l’une ou l’autre, notre faculté de percevoir opère alors différemment. Prenons un exemple. La vue, lorsqu’elle voit l’extérieur reçoit une impression que la lumière laisse sur les choses, elle voit donc lumières, formes et couleurs. Maintenant, imaginons que nous essayons de visualiser un point précis dans notre cerveau ? Dans cette visualisation, que se passe-t-il ? Notre faculté de voir est mobilisée différemment. Dans ce monde intérieur, les choses ont laissé place au « noir ». La sensations n’a plus d’autre objet que le corps qui la fait naître, produisant un effet Larsen sensoriel qui s’associe alors à l’interprétation, l’imagination et la connaissance. Dès lors, les sens ouvrent leur champs d’investigation aux intuitions intérieures et l’essence de notre intériorité. Elle à la pouvoir de nous informer sur ce que nous sommes au-delà des apparences.
Dessin extrait de la BD « L’éveil du Zoo », S. Aumont, p.34.